Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/255

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car le chaos de l’image peut seul produire le chaos de l’idée, qu’un océan remué seulement à la surface pour faire parade de son écume, oh ! alors ! veuillez écouter notre réponse et en prendre acte pour l’avenir ! Plus d’illusion, plus de mirage, plus d’opium, vous avez raison, mais pas encore assez, je vous en avertis. Nous voulons désormais avoir plus raison que vous-même, et mettre notre vie en harmonie avec notre croyance.

Ah ! cette société est dévouée au néant, et c’est pour le néant que nous travaillons en travaillant pour elle ! N’importe alors que la catastrophe arrive un peu plus tard ou un peu plus tôt, aujourd’hui ou demain, dans un siècle ou dans dix siècles. Du moment qu’elle est au bout, qu’elle est le terme de tout, elle pèse d’avance sur tout, et elle frappe tout à l’image de son impuissance. Qui me dit d’ailleurs que l’heure fatale n’a pas déjà sonné ? J’entends crier à la décadence autour de moi, et par instant je crois saisir un présage dans l’atmosphère. J’ai vu ce matin à mon réveil un corbeau passer à ma gauche. Or, dans cette incertitude si je monte ou si je descends la colline, je prends le parti de la sagesse : je renonce, dès aujourd’hui, à m’enfoncer plus avant dans ce défilé du progrès relatif, pour aller me briser la face contre un rocher ; je reviens sur moi-même, je rentre dans ma liberté d’action. Après moi le déluge ! La vie est courte, sa part est sévère, et je ne veux pas la diminuer par un stupide sacrifice sur l’autel de la déesse Décadence. Où êtes-vous, passions ennemies qui me méprisez et que je méprise à