Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/257

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que Dieu a donné invinciblement à l’homme : instinct que l’homme sait parfaitement illusoire ici-bas, et qui cependant le pousse invinciblement aussi à tendre toujours vers un but dont il ne se rapproche jamais. Nous voulons parler de l’aspiration au bonheur complet et permanent sur la terre. Quel est l’homme qui ne sait pas le mensonge de cet instinct, et quel est l’homme qui ne s’y laisse pas éternellement tromper ? Mais il était nécessaire dans le plan divin que cet instinct de bonheur parfait mentît à l’homme pour lui faire supporter l’existence et poursuivre pas à pas dans la vie la route de l’éternité. Sans cet instinct, l’homme s’arrêterait au second pas, s’asseoierait le front dans ses mains sur la route, attendant la mort sans mouvement ou la devançant par le suicide. »

Ai-je bien compris l’argument ? Comment ! le Dieu de toute vérité aurait combiné l’humanité de telle façon qu’il aurait eu besoin de faire avec elle de la diplomatie, de la tromper pour son plus grand profit, de la conduire au vrai à l’aide d’un faux en écriture divine appelé instinct, et de choisir précisément le plus noble instinct de l’homme pour le constituer à l’état de faussaire ? Et comme si ce n’était pas assez de contradictions accumulées dans cette hypothèse, voici que Dieu, après avoir fait du mensonge un élément intégrant de la perfection de son œuvre, prend si mal ses précautions pour cacher à l’homme qu’il le trompe, et par consé-