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Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/106

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mon voyage aventureux

ils le font en costume de ville, sans tablier, on dirait qu’ils font ce métier en amateurs. Tout de même pour mes trente mille roubles j’ai là un bon beafteck avec des cornichons à la russe, des pommes de terre, un gâteau, un verre de thé : pas de vin, il est à un prix inabordable. Ce diner ingéré, je vois sous un meilleur jour la vie en général et Moscou en particulier.

La première fois, j’ai la naïveté de raconter mon « festin » aux camarades.

Les voilà qui s’indignent, de pareilles choses disent-ils, ne s’avouent pas, et quand on a la faiblesse de les faire on doit avoir la pudeur de les cacher.

Quelle pudeur ? Mais c’est au restaurant que je suis allée. Est-ce que la nouvelle politique ne permet pas le commerce ; si on laisse les restaurants ouvrir leurs postes, c’est pour qu’on aille s’y restaurer.

Lénine tolère, mais il ne permet pas ; surtout à une communiste qui doit se contenter de ce que la République des Soviets lui donne.

Je trouve à la fois puérils et mesquins ces reproches. Je comprends la nécessité de la dictature et admet volontiers que les camarades s’inquiètent de mon attitude politique ; mais avoir à tenir compte de l’opinion de mon entourage pour des questions de mangeaille serait me rabaisser singulièrement. Les hommes font du communisme qui