rablement vêtue, la tête couverte d’un châle et portant à son bras droit un paquet enveloppé d’étoffe blanche s’arrête à côté de moi et me parle en russe :
« Ia nie poniemaio (je ne comprends pas). »
Elle essaie l’allemand :
« Ich verstehe nicht. »
Alors elle sort le français :
« Je demande, madame, pour qui sont ces gâteaux ? Pas pour moi, assurément, car je n’ai pas d’argent pour les acheter. »
Je réponds quelque chose ; elle reprend :
« Vous me prenez pour une bohémienne, n’est-ce pas ? »
« Mais non, madame, vous parlez trois langues ; cela me montre que vous êtes une personne très cultivée. »
Nous cheminons côte à côte. Elle me raconte avec des mots de colère le sort que lui a fait la Révolution : Son mari était juge ; elle avait une situation de bonne bourgeoisie, elle était heureuse. Maintenant c’est la misère terrible : le mari fait un cours de géographie dans une école pour avoir de quoi manger, leurs deux enfants sont morts. Dans son paquet elle a des vêtements qu’elle va vendre pour acheter de la nourriture.
« Oh ! comme je déteste, ce Moscou tel qu’il est maintenant, et comme je voudrais voir pendre tous les « tovarichs » (camarades).