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Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/184

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mon voyage aventureux

Trotsky a moins de caractère ; elle est peinte en rose. Que de tristesses dans ces rues désertes ; sur une petite place, devant une chapelle, des soldats font l’exercice ; là-bas, sur la fameuse terrasse d’où Napoléon a contemplé Moscou en flammes, des enfants jouent au ballon. De temps en temps, un employé, misérablement vêtu, passe devant moi et disparaît bientôt dans une porte.

Je parcours la terrasse magnifique ; pas de banc, mais, devant le Palais de Lénine, il y a un chantier de bois où travaillent nonchalamment deux ouvriers ; je m’assieds sur une poutre. Le soleil radieux fait scintiller les coupoles dorées des chapelles ; les murs du Palais de Lénine, éclatants de blancheur, renvoient une lumière crue.

Rien n’est éternel. Autrefois, cette terrasse grandiose était pleine de dames frou-froutantes à la cervelle d’oiseau. Elles papotaient, intriguaient, flirtaient avec des hommes aussi futiles qu’elles, et le bonheur de tout te monde était fait du malheur de millions d’ouvriers et de paysans.

C’était pour eux que l’ouvrier menait la vie triste de l’usine, travaillant sans espoir du seuil de l’adolescence à la décrépitude finale. C’était pour eux que les paysans vivaient comme des bêtes, sans un rayon de culture intellectuelle pour illuminer leur existence. Enfin, le cataclysme est venu qui a tout balayé et il n’y a plus que cet abandon.