Aller au contenu

Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
mon voyage aventureux

décline mes noms et prénoms, la ville d’où je viens, etc., mon compagnon déclare vouloir rester inconnu. Il paraît que cela se fait ainsi dans le pays ; mais quelle réputation vais-je avoir, grand Dieu ! Après tout, c’est un déguisement de plus.

Wilhelm s’en va je ne sais où et me laisse en carafe dans la salle à manger de l’hôtel. On joue de la musique ; il y a des femmes en robe très décolletée ; je ne sais quelle contenance prendre. S’il croit que je passe inaperçue avec mon costume tailleur et mon manteau de gros drap bolchevik.

Lasse d’attendre, je vais me coucher. Mon (mari) ne rentre qu’à quatre heures du matin ; où est-il allé ? Je ne le lui demande pas.

Nous sommes trop émus pour dormir. Nous passons le reste de la nuit à discuter du marxisme. Je manque un peu d’exactitude en disant que je n’ai pas posé de questions au camarade Wilhelm ; je lui en ai posé une : je lui ai demandé en riant s’il n’était pas l’œil de Moscou ?

Il a pris un air courroucé : « Et si je l’étais, qu’y trouveriez-vous de risible ? Vous ne respectez donc pas la Révolution ? »

— Mais si, je la respecte. Pensez-vous que je serais allée en Russie sans papiers depuis Paris si je n’étais pas ardemment communiste ? Mais c’est chez moi un travers d’esprit : j’ai plaisir à me moquer des choses que je respecte.

— Un travers d’esprit, fait-il, je sais ce que c’est