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Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/23

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en russie communiste

étiquettes et les déchire en petits morceaux. Et je me trahis à chaque instant, dit-il, par exemple en demandant un verre de cognac. Une allemande ne boit pas de cognac. Enfin la voiture qu’il a commandée est annoncée : c’est un landau, s’il vous plaît, mais tout à fait délabré. Tel qu’il est, il nous vaut le respect du garçon d’hôtel qui s’incline très bas devant nous, lorsque nous montons en voiture.

Enfin nous voilà partis ; on baisse la capote pour éviter d’être vus ; les chevaux marchent très lentement à cause de la grosse chaleur : d’ailleurs la route monte. Des nuées d’insectes volent autour de nous. Mon compagnon les attrape et leur arrache la tête en disant : « Ich bin bolchévick ! » J’essaie de le faire cesser car je trouve que même un insecte a le droit à la vie, et je tente aussi de lui faire entendre, avec mon mauvais allemand, que le bolchevisme n’est pas ce qu’il croît. Vains efforts : mon compagnon est une jeune brute et il me devient de plus en plus antipathique.

Nous arrivons enfin au village où se trouve la gare à laquelle nous devons prendre le train. Mais il y a trois heures à attendre, nous les passons dans un cabaret où nous prenons force bière pour nous faire tolérer de la préposée pendant un temps aussi long. Je regrette vivement d’avoir accepté d’emmener le jeune homme à Francfort ; mais tout de même je juge qu’il m’est encore utile dans