Aller au contenu

Page:Pelletier - Mon voyage aventureux en Russie communiste, 1922.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
en russie communiste

fils de fer barbelés de Clemenceau et dans ces fils je suis prise.

Derrière la table il y a une grande glace, je m’y regarde avec terreur. Du plomb fera de ma tête une bouillie, la cervelle jaillira. Pourquoi, qu’ai-je fait de criminel ? Je vais voir la Rassie, est-ce que cela mérite la mort ? Je repasse ma vie de travail constant pour l’acquisition de la culture intellectuelle que je possède. Et ce sont des soldats, pour la plupart des brutes alcooliques qui me tueront. Je vois en esprit, le poteau d’exécution et j’éprouve la sensation affreuse que doit avoir l’animal pris au piège, avec en plus, hélas, l’imagination de l’homme.

Dans mon chapeau, dans mes vêtements, dans mes souliers j’ai des lettres de recommandations pour la Russie ; je brûle tout. Si vous n’avez aucun papier sur vous, m’a dit « Madame Defarge » vous pouvez encore avoir la chance de vous en tirer, mais si vous portez le moindre document politique, vous êtes perdue. On a fusillé un jeune homme de seize ans parce qu’on a trouvé dans sa poche un journal bolchevik !

Que faire ? Il faut cependant essayer de sortir de cette situation et pour cela je dois, avant tout, compter sur moi-même. J’écris une dizaine de lettres à mes amis de Paris. Si je ne suis pas arrêtée, peut-être m’accusera-t-on ensuite d’avoir eu peur ; mais si je suis arrêtée, les démarches qu’on