Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/201

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tairement enveloppée. Après les avoir relues avec attention, avec réflexion, j’avoue que presque toujours le sens m’en échappe. Incompréhensibles dans leur ensemble, on y trouve des vers isolés dont j’oserais dire qu’ils me semblent beaux, d’une beauté énigmatique sans doute, mais captivante, et qu’ils éveillent dans l’âme de lointains, de profonds échos. Ces vers mêmes, quel prix ont-ils, si ceux qui les précèdent et les suivent ne présentent aucune signification ? On ne saisit nulle part rien de lié. Sur certains passages on se hasarde à des conjectures plus ou moins vraisemblables ; et, là même, on ne peut apercevoir une syntaxe quelconque, reconnaître la fonction des mots ou s’en expliquer l’ordre. Ce ne sont par tout qu’ellipses, anastrophes, constructions revêches et bizarres, que les grammairiens cataloguent peut-être, mais qui, du moment où elles forment la trame d’un style, le rendent impossible à entendre.

Lorsque Mallarmé, se détachant du Parnasse, inaugura une nouvelle manière, son obscurité en fit une espèce d’hiérophante. Alors il devint illustre. Qu’on ne l’accuse pourtant pas de charlatanisme. Ceux qui le connurent, voire les moins suspects de dévotion, s’accordent tous à louer sa sincérité parfaite, la hauteur de son esprit, la noblesse de son caractère, et même son dédain de la gloire. Il n’est pas obscur pour se poser en prophète. Cette obscurité tient à son esthétique, qu’il appliqua de parti pris avec une obstination jalouse. On veut voir en lui un Imaginatif, un sentimental, sinon une sorte de visionnaire ; ce fut surtout un logicien, un théoricien, un