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des poètes français ». Ce titre, bien magnifique pour convenir au « pauvre Lélian », suppose d’ailleurs je ne dis pas plus de génie, mais un talent plus maître de soi, plus sûr et moins inégal. Tout ce qui restera de Verlaine peut tenir dans une centaine de pages. Les douze ou quinze volumes dont se compose son œuvre poétique trahissent à chaque instant l’embarras de la pensée et les maladresses de la facture. Maints poèmes n’offrent aucun sens appréciable, et la plupart de ceux qui se laissent entendre sont tantôt plats, tantôt alambiqués, ou même concilient l’insignifiance avec le contournement. Ses derniers recueils, très lâchés en général, ont je ne sais quoi de sénile tout ensemble et d’enfantin. Disons le mot : il s’y trouve beaucoup de niaiseries.

Qu’importe ? Un petit nombre de pièces, vraiment exquises et d’un accent jusqu’alors inconnu, suffisent pour lui assurer sa place entre les plus grands poètes de ce siècle, et le font considérer à juste titre comme l’initiateur de la moderne poésie. Écoutez, a-t-il dit,


Écoutez la chanson bien douce !


Une douceur ineffable donne à certaines chansons de Verlaine leur charme propre. Effusions tout instinctives d’un faible cœur, qui a gardé jusque dans les pires déportements quelque chose de naïf, elles ne sont d’aucune école et l’on peut à peine les appeler des œuvres d’art. C’est justement par là que, s’opposant à l’art parnassien, elles inaugurent une poétique nouvelle.