Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/211

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hagards, les autres, pour le plaisir de mystifier le public, parlaient un ramage plus ou moins inintelligible, le symbolisme ne laissa pas de marquer à son empreinte la syntaxe et le vocabulaire en y apportant certaines modifications dont nous devons indiquer au moins le sens général.


Si chaque symboliste a des procédés syntactiques qui lui sont propres, tous, chacun à sa manière, accordent leur phrase avec cet impressionnisme musical qui est le caractère essentiel de la poésie moderne. Victor Hugo avait dit dans un vers célèbre :


Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe !


Mais notre jeune école, qui veut créer une poésie « suggestive », une poésie « évocatoire », altère plus ou moins la grammaire rationnelle en exprimant, au lieu d’idées systématiquement ordonnées, des émotions vagues et diffuses. Elle ne se contente pas de rejeter tout ce qui pèse et pose, elle sacrifie les règles à l’expression directe et synthétique de l’âme. Sa phrase abonde en anacoluthes, en brusques dissociations, en audacieux raccourcis. Et c’est par là que maints symbolistes sont incompréhensibles. Ceux qui veulent bien se laisser entendre, ceux-là mêmes qui, comme M. Henri de Régnier, comme Albert Samain, comme M. André Rivoire, mettent beaucoup de discrétion à modifier notre syntaxe traditionnelle, ne l’en assouplissent pas moins et lui donnent une flexi-