Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/225

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espacés qui nous rendent, de moment en moment, la perception d’une mesure normale. C’est ce que font, il faut bien le dire, la plupart des « vers-libristes » ; et ceux qui ont le sens du rythme composent, en dehors de tout type réglementaire, je ne sais quelles « laisses » très heureusement cadencées.

Entre les strophes traditionnelles, beaucoup ne sautraient convenir à la nouvelle poésie, par ce qu’elles ont d’éclatant et de pompeux[1]. D’autres, plus discrètes, sont trop fixes, trop arrêtées dans leur structure. D’autres enfin commencent à devenir surannées. Pourquoi les symbolistes ne pourraient-ils renouveler nos formes poétiques ? La question n’est pas de savoir s’ils suivent les règles consacrées, mais s’ils écrivent des vers harmonieux.

Du moment où leur conception de la poésie n’a rien que de légitime, on doit leur permettre d’y accorder l’instrument poétique. Les alexandrins « ternaires » de Victor Hugo firent d’abord scandale. En ce temps-là, il y avait aussi des « conservateurs », des partisans de la « tradition », qui repoussaient toute nouveauté. Et les raisons qu’ils alléguaient pour maintenir le vers classique étaient exactement les mêmes dont s’autorisent ceux d’aujourd’hui pour maintenir le vers parnassien. Quelle valeur ont ces raisons ? « L’art des vers, depuis la contribution capitale qu’il doit au génie de Victor Hugo, a épuisé, déclare M. Sully-Prudhomme, le progrès que sa nature comportait. » Voilà ce qui se dit après

  1. La plupart de celles qu’emploie Malherbe.