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VOLTAIRE PHILOSOPHE

sérieux les absurdités de l’exégèse et de la théologie catholiques ? Quand le fanatisme étale seulement sa sottise, les honnêtes gens peuvent se contenter d’en rire[1].

Cependant, s’il y a temps pour la raillerie, il y a a temps aussi pour la colère et l’indignation. « Selon que les objets se présentent à moi, dit Voltaire, je suis Héraclite ou Démocrite ; tantôt je ris, tantôt les cheveux me dressent à la tête ; et cela est très à sa place, car on a affaire tantôt à des tigres, tantôt à des

    que le ton de la plaisanterie est, de toutes les clefs de la musique française, celle qui se chante le plus aisément, » — Lettre à M. Gaillard, 2 mars 1769 : « Vous me parlez de certaine petite folie ; il est bon de ne pas être toujours sur le ton sérieux, qui est fort ennuyeux à la longue dans notre chère nation. Il faut des intermèdes. Heureux les philosophes qui peuvent rire et même faire rire ! » — Et, dans une lettre à d’Alembert, du 8 octobre 1760, le rondeau qui suit :

    En riant quelquefois on rase
    D’assez près ces extravagants
    À manteaux noirs, à manteaux blancs,
    Tant les ennemis d’Athanase,
    Honteux ariens de ce temps,
    Que les amis de l’hypostase,
    Et ces sots qui prennent pour base
    De leurs ennuyeux arguments
    De Baïus quelque paraphrase.
    Sur mon bidet, nommé Pégase,
    J’éclabousse un peu ces pédants ;
    Mais il faut que je les écrase
    En riant.

  1. Lettre à d’Alembert, 28 nov. 1762. — On peut, il est vrai, reprocher à Voltaire bien des pages dans lesquelles sa polémique antireligieuse ne s’interdit pas la bouffonnerie, voire lobscénité. Mais là même il a son excuse dans la bêtise pieuse avec laquelle des écrivains catholiques, tels par exemple que dom Calmet (Dict. de la Bible, 1722 ; Hist. de l’Anc. Testament, 1737) commentaient certains passages de la Bible, si peu chastes à vrai dire ou si orduriers, que l’obscénité dont on accuse Voltaire consiste la plupart du temps à les avoir tout simplement traduits.