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VOLTAIRE PHILOSOPHE

mon cher ami, est-ce là le temps de rire ? Riait-on en voyant chauffer le taureau de Phalaris ? Je vous embrasse avec rage » (23 juillet).

Les ennemis de Voltaire ont souvent cité le mot suivant d’une de ses lettres : « Je suis fâché qu’on ait cuit ce pauvre Napolitain [Vanini], mais je brûlerais volontiers ses ennuyeux ouvrages » (À l’abbé d’Olivet, 6 janv. 1736). Que veulent-ils prouver par là ? Et prétendraient-ils nous faire accroire, en citant une boutade parmi soixante-dix volumes, que Voltaire ne haïssait pas le fanatisme ou n’en plaignait pas les victimes ? « Sirven, Calas, Martin, le chevalier de La Barre, écrit-il, se présentent quelquefois à moi dans mes rêves. J’ai toujours la fièvre le 24 du mois d’auguste,… je tombe en défaillance le 14 de mai, où l’esprit de la Ligue catholique… assassina Henri IV par les mains d’un révérend Père feuillant » (Lettre à d’Argental, 30 août 1769)[1]. Si Voltaire ne se fait pas faute de rire toutes les fois qu’il y en a lieu, combien de pages, dans son œuvre, expriment sa pitié ou son indignation ! Ce n’est pas l’ironie hautaine et contenue de Montesquieu, ce n’est pas non plus l’âpre rhétorique de Jean-Jacques Rousseau : c’est une éloquence sans apprêt, qui jaillit spontanément de son cœur[2].

  1. De même, Lettre à Schomberg, 31 août 1769 : « Ne soyez point étonné, Monsieur, que j’aie été malade au mois d’auguste… J’ai toujours la fièvre vers le 24 de ce mois, comme vers le 14 de mai » ; Lettre à M. Marin, 10 sept. 1774, édition Moland, XLIX, 79. — Sur Voltaire défenseur des victimes du fanatisme, cf. p. 145 sqq.
  2. Voici un passage du Dictionnaire philosophique où l’indignation succède au rire : « Peut-on répéter sérieusement que les Romains condamnèrent sept vierges de soixante et dix ans chacune à passer par les mains de tous les jeunes gens de la