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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Remarquons du reste que ce qu’il achetait ainsi, ce n’était pas une paix égoïste. Rien ne l’empéchait de vivre tranquille en se taisant. D’autres s’étaient tus jadis, à commencer par Descartes ; et d’Alembert lui-même gardait maintenant le silence. Mais il voulait continuer sans relâche la lutte contre le fanatisme. À ceux qui l’accusent de manquer de courage, on pourrait répondre par ce mot d’une de ses lettres : « Nous sommes bien heureux, mes anges, d’avoir des philosophes qui n’ont pas la prudente lâcheté de Fontenelle » (À d’Argental, 22 juin 1766).

Non seulement Voltaire ne se tut pas dans les dernières années de sa vie, mais il fut plus actif que jamais.

Pourquoi ce redoublement de zèle ? On prétend que le succès du Vicaire savoyard, publié en 1762, l’avait

    à Lally et qu’on lui eut coupé la tête pour avoir été malheureux et brutal, le roi demanda s’il s’était confessé ? Voulez-vous oublier que mon évêque savoyard, le plus fanatique et le plus fourbe des hommes, écrivit contre moi au roi, il y a un an, les plus absurdes impostures ?… Il est très faux que le roi lui ait fait répondre par M. de Saint-Florentin qu’il ne voulait pas lui accorder la grâce qu’il demandait. Cette grâce était de me chasser du diocèse, de m’arracher aux terres que j’ai défrichées, à l’église que j’ai rebâtie, aux pauvres que je loge et que je nourris… Le roi veut qu’on remplisse ses devoirs de chrétien ; non seulement je m’acquitte de mes devoirs, mais j’envoie mes domestiques catholiques régulièrement à l’église et mes domestiques protestants régulièrement au temple ; je pensionne un maître d’école pour enseigner le catéchisme aux enfants. Je me fais lire publiquement l’Histoire de l’Église et les Sermons de Massillon à mes repas. Je mets l’imposteur d’Annecy hors de toute mesure, et je le traduirai hautement au Parlement de Dijon s’il a l’audace de faire un pas contre les lois de l’État… Si par malheur j’étais persécuté…, plusieurs souverains… m’offrent des asiles. Je n’en sais point de meilleur que ma maison et mon innocence. Mais enfin tout peut arriver » (Lettre à d’Argental, 23 mai 1769).