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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Mais le catholicisme exagère à plaisir notre méchanceté. Comment nous vendrait-il ses drogues, s’il ne nous avait d’abord persuadés que nous sommes malades[1] ? À vrai dire, rien n’est si faux que les déclamations des prêtres contre la nature humaine. Et rien n’est si funeste : car elles découragent l’effort et paralysent l’énergie. Il vaudrait mieux exagérer dans l’autre sens. Montrons du moins à l’homme de quoi il est capable, pour exalter sa vertu[2].

La religion catholique, avons-nous dit, relève l’homme par la grâce divine ; mais combien d’hommes l’obtiennent, cette grâce que nul ne peut mériter ? Religion inhumaine, le catholicisme voue aux flammes éternelles presque toutes les créatures de Dieu.

Outre le plus grand nombre des catholiques eux-mêmes, car il y a peu d’élus parmi les appelés, elle damne non seulement les infidèles ou les païens[3], mais aussi les hérétiques. « Apprenez votre catéchisme, dit un moine à Marmontel dans l’Anecdote

    naturel des agneaux tant qu’il est enfant. Pourquoi donc et comment devient-il si souvent loup et renard ? N’est-ce pas que, n’étant né ni bon ni méchant, l’éducation, l’exemple, le gouvernement dans lequel il se trouve jeté, l’occasion enfin le déterminent à la vertu ou au crime ? » (XXX, 245). — « La terre, ajoute-t-il un peu plus loin, portera toujours des méchants détestables ; les livres en exagéreront toujours le nombre, qui, bien que trop grand, est moindre qu’on ne le dit. » (Id., 248)

  1. « C’est une étrange rage que celle de quelques messieurs qui veulent absolument que nous soyons misérables. Je n’aime point un charlatan qui veut me faire accroire que je suis malade pour me vendre ses pilules. Garde ta drogue, mon ami, et laisse-moi ma santé. » (Lettre à S’Gravesande, 1er juin 1741.)
  2. Dict. phil., Méchant, XXXI, 169, 170.
  3. Cf. p. 112.