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VOLTAIRE PHILOSOPHE

On voudrait que les ecclésiastiques fussent plus détachés des biens de la terre. Sans doute, il y en a beaucoup de pauvres qui ne se laissent pas tenter par la richesse ; Voltaire loue souvent les curés de campagne, les curés à portion congrue, et demande qu’on augmente leurs ressources pour leur assurer une existence honorable. Mais les prélats et tous les dignitaires, mais l’immense majorité des religieux ? Ceux-là vivent dans l’opulence et dans le luxe.

Dès le iiie siècle, si nous en croyons saint Cyprien, maints évêques, négligeant leurs devoirs sacerdotaux, « se chargeaient d’affaires temporelles, quittaient leur chaire, abandonnaient leur peuple et se promenaient dans d’autres provinces pour fréquenter les foires et s’enrichir par le trafic. Ils ne secouraient point les frères qui mouraient de faim ; ils voulaient avoir de l’argent en abondance, usurper des terres par de mauvais artifices, tirer de grands profits par des usures » (Dict. phil., Abbaye, XXVI, 32). Au ixe siècle, un écrit que Charlemagne rédigea pour le « parlement » de 811 nous donne quelques indications sur l’avarice des ecclésiastiques. « Nous voulons connaître leurs devoirs afin de ne leur demander que ce qui leur est permis, et qu’ils ne nous demandent que ce que nous devons accorder. Nous les prions de nous expliquer nettement ce qu’ils appellent quitter le monde et en quoi l’on peut distinguer ceux qui le quittent de ceux qui y demeurent, si c’est seulement en ce qu’ils ne portent point les armes et ne sont pas mariés publiquement ; si celui-là a quitté le monde, qui ne cesse tous les jours d’augmenter ses biens par toutes sortes de moyens en promettant le paradis et en menaçant de l’enfer,