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RELIGION

du figuier stérile ne nous autorise à maltraiter nos frères, ni le Compelle intrare à employer la force quand la douceur ne nous a pas réussi. Toute la conduite de Jésus dément cette interprétation[1].

D’une part Voltaire, mettant le christianisme évangélique en contraste avec celui des théologiens et des inquisiteurs, déclare expressément que le Christ n’était pas chrétien[2] ; d’autre part, réservant le nom de chrétien à ceux qui professent et pratiquent le christianisme de Jésus, il revendique ce nom pour lui-même. « Je suis chrétien, fait-il dire à son Adorateur, je suis chrétien comme l’était Jésus, dont on a changé la doctrine céleste en doctrine infernale » (Le Douteur et l’Adorateur, XLI, 405).

Qu’est-ce, en somme, que le Christ ? Un serviteur de Dieu qui a prêché la vertu, autant dire un théiste[3]. Son christianisme, si tôt perverti par la superstition et l’intolérance, Voltaire l’a toujours préconisé. C’est ce christianisme qu’il glorifie par exemple dans Alzire[4]. Et, plus tard, prenant à partie un pamphlétaire qui représentait la morale du Christ comme oppressive et corruptrice, il lui reproche

  1. Dieu et les Hommes, XLVI, 211 sqq. ; Traité sur la Tolérance, XLI, 323 sqq.
  2. Dieu et les Hommes, XLVI, 215.
  3. Profession de foi des Théistes, XLIV, 134 ; Hist. de Jenni, XXXIV, 353.
  4. « On a tâché dans cette tragédie… de faire voir combien le véritable esprit de religion l’emporte sur les vertus de la nature. La religion d’un barbare consiste à offrir à ses dieux le sang de ses ennemis. Un chrétien mal instruit n’est souvent guère plus juste. Être fidèle à quelques pratiques inutiles et infidèle aux vrais devoirs de l’homme, faire certaines prières et garder ses vices, jeûner mais haïr, cabaler, persécuter, voilà sa religion. Celle du chrétien véritable est de regarder tous les hommes comme ses frères, de leur faire du bien et de leur par-