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MORALE

qui avaient voulu soutenir l’arche prête à tomber[1]. Et puis, il y a bien des façons de croire en Dieu. Si nous comparons le fanatisme et l’athéisme, « Le fanatisme est certainement mille fois plus funeste » (Dict. phil., Athéisme, XXVII, 187) ; si nous comparons le fanatique et l’athée, « le fanatique est un monstre mille fois plus dangereux » (Ibid., Dieu, XXVIII, 392). Hobbes mena une vie tranquille et innocente tandis que les sectaires Anglais de son temps ensanglantaient leur pays ; et Spinoza, maître d’athéisme, ne se mêla point à ceux de ses compatriotes qui servaient Dieu en massacrant les frères de Witt[2]. Si l’athée est capable de violer Iphigénie, le fanatique l’égorgera pieusement sur l’autel et croira que Jupiter lui en a beaucoup d’obligation ; si l’athée est capable de dérober un vase d’or dans une église pour entretenir des filles de joie, le fanatique célébrera dans cette église un auto-da-fé et chantera un cantique juif à plein gosier devant un bûcher de Juifs[3].

Et quel est le véritable impie ? Dirons-nous que c’est le pauvre homme dont l’ignorance s’imagine l’Être des êtres avec une longue barbe blanche, avec des pieds et des mains ? Nous pardonnons du moins à sa simplicité d’esprit ; il mérite la pitié, non la colère. Mais celui qui adore un Dieu jaloux, orgueilleux, vindicatif, qui s’autorise de ce Dieu pour justifier sa propre arrogance, pour glorifier ses fureurs, voilà le véritable impie. L’impie, c’est celui qui vient nous dire : « Ne vois que par mes yeux, ne pense

  1. Dict. phil., Athée, XXII, 158.
  2. Ibid., id., 187.
  3. Hist. de Jenni, XXXIV, 419.