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MORALE

Mais il ne s’agit que de comparer en général l’athée et le théiste. L’athée, disait tout à l’heure Voltaire dévore pour apaiser sa faim, et le fanatique croit faire son devoir en tuant le théiste, dit-il maintenant, déteste un crime commis dans l’emportement de la passion, et l’athée s’endurcit de plus en plus.

Quand Voltaire déclare l’athée moins dangereux que le fanatique, il parle de l’athée philosophe. Or, il y a deux catégories d’athées ; il n’y a pas seulement les athées philosophes ou athées de cabinet, il y a aussi les athées de cour. Cette distinction est nécessaire pour examiner la question posée par Bayle : « Si une société d’athées peut subsister. »

Oui, répond Voltaire, dans le cas où ces athées sont des philosophes. Les athées philosophes mèneront une vie très tranquille et très sage. Tandis qu’une cité de jansénistes et de molinistes sera troublée par des querelles souvent sanglantes, une cité de Simonides, de Protagoras, de Spinozas, restera toujours calme et sage[1]. Seulement, ne confondons pas les athées de cour avec les athées de cabinet. L’athéisme, qui « peut tout au plus laisser subsister les vertus sociales dans la tranquille apathie de la vie privée », « doit porter à tous les crimes dans les orages de la vie publique » (Homélie sur l’Athéisme, XLIII, 250). Quand on n’a aucune crainte, on n’a souvent aucun scrupule. Et du reste, si l’athéisme n’est pas dangereux chez les athées de cabinet, nous n’en devons pas moins le combattre même chez eux, parce que, de leur cabinet, il se répand parmi les princes et les

    quefois autant de mal que les superstitions les plus barbares » (XLIII, 240).

  1. Dict. phil., Athéisme, XXVII}, 159.