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VOLTAIRE PHILOSOPHE

pas la nature ou qui la suivent mal, ce sont les sauvages. Issue de la société, pour laquelle Dieu nous a fait naître, la civilisation développe les hommes selon leurs instincts. N’opposons pas plus la société des hommes à leur nature que nous n’opposons la société des abeilles à la nature des abeilles. Ceux qui suivent la loi naturelle, ce sont ceux qui civilisent le genre humain, qui inventent ou perfectionnent les arts, qui proposent de bonnes lois, qui rendent la vie en commun plus sage ou plus facile[1].

Si l’homme est véritablement homme en tant qu’animal sociable, nous ne considérerons comme véritablement humaines ni les vertus que prêche le catholicisme, ni même la plupart de celles qu’enseigna la philosophie antique. Une vertu inutile à la société ne mérite pas ce nom.

Les catholiques distinguent trois vertus, dites théologales : l’espérance, la foi et la charité.

Certes l’espérance est pour l’homme d’un prix inestimable. Elle nous fait jouir de ce que nous n’avons pas encore, de ce que, peut-être, nous n’aurons jamais ; et, fût-ce en nous trompant, elle nous donne des plaisirs qui ne sont point illusoires. Mais devons-nous la qualifier pour cela de vertu ? À vrai dire, elle ne l’est pas plus que la crainte ; car « on craint ou on espère selon qu’on nous promet ou qu’on nous menace » (Dict. phil., Vertu, XXXII, 450). D’une part, espérer ce qui n’arrivera pas, c’est une duperie ; et, quoique cette duperie allège et console notre existence, nous ne pouvons cependant y rien voir de vertueux. Mais d’autre part, quand on sait qu’une

  1. A, B, C, XLV, 64 sqq.