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Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/217

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VOLTAIRE PHILOSOPHE

seul eût été capable d’empêcher la Saint-Barthélemy. Il voulait que l’on cassât la cloche infernale de Saint-Germain l’Auxerrois qui a sonné le tocsin du massacre » (Lettre à M. de Villette, 4 janv. 1766). Quant aux anachorètes et aux cénobites, ceux-là, ne faisant de bien à personne, ne sont point vertueux. De saint Cucufin et du roi Henri IV, lequel a pratiqué ce qui s’appelle vertu ? Le 12 octobre 1766, Clément XIII canonisa frère Cucufin d’Ascoli. À en croire le procès-verbal de la Congrégation des rites, frère Cucufin, dînant chez un cardinal, avait poussé l’humilité jusqu’à prendre de la bouillie avec sa fourchette et à renverser un œuf frais sur sa barbe. Certes Henri IV fut moins humble, et ses mœurs, il faut l’avouer, n’eurent rien d’édifiant. Mais, réduit à conquérir son royaume par les armes, ce prince miséricordieux, un jour de bataille, s’écria de rang en rang : « Épargnez le sang français » ; et, monté sur le trône, ce prince bienfaisant ramena chez ses peuples la paix civile et leur enseigna la tolérance. Aussi Voltaire ne craint-il pas de lui donner l’avantage sur frère Cucufin. Il n’y a de véritables vertus que les vertus utiles[1].

Utiles à nos semblables, cela s’entend, non à nous-mêmes. Et c’est pourquoi l’on ne doit pas plus qualifier de ce nom les quatre, vertus cardinales que les trois vertus théologales. De ces quatre vertus, la

  1. Canonisation de saint Cucufin, XLV, 174 sqq. — Cf. Dict. phil., Vertu : « Un solitaire sera sobre, pieux, il sera revêtu d’un cilice ; eh bien, il sera saint, mais je ne l’appellerai vertueux que quand il aura fait quelque acte de vertu dont les autres hommes auront profité… Si saint Bruno a mis la paix dans les familles, s’il a secouru l’indigence, il a été vertueux ; s’il a jeûné, prié dans la solitude, il a été un saint. La vertu entre les hommes est un commerce de bienfaits ; celui qui n’a