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VOLTAIRE PHILOSOPHE

tous les animaux se livrent les uns aux autres de perpétuels combats. Veut-on confondre l’homme avec la brute ? Et quel avantage tirerions-nous de la raison, si nos pires actes pouvaient se justifier par l’exemple des animaux auxquels Dieu l’a refusée ?

Reconnaissons cependant que la guerre règne et régna toujours chez presque toutes les nations. Devons-nous donc y voir, comme on le dit, une loi de la nature ? Mais il n’est aucun progrès moral qui ne provienne d’une victoire de l’homme sur ses mauvais instincts naturels. Dans les temps primitifs, la guerre se faisait d’individus à individus ; ensuite elle se fit entre les tribus diverses d’un peuple. Le régime de la justice ayant, de siècle en siècle, gagné sur celui de la violence, elle a fini par ne se faire qu’entre nations. Pourquoi le jour ne viendrait-il pas pour les nations elles-mêmes de régler leurs conflits sans effusion de sang ? Que les philosophes hâtent ce jour plus ou moins lointain[1].

Selon Montesquieu, le droit de légitime défense peut, en certains cas, autoriser une agression ; tel peuple, dit-il, si une paix trop longue doit mettre son voisin à même de le subjuguer, n’a, pour se prémunir, d’autre moyen que de lui déclarer la guerre. Dans le Dictionnaire philosophique, Voltaire proteste qu’une telle guerre n’est ni honnête ni utile[2], et, dans

    après avoir cité la phrase : « Se peut-il rien de plus plaisant qu’un homme ait le droit de me tuer parce qu’il demeure au delà de l’eau ? » « Plaisant, écrit-il, n’est pas le mot propre ; il fallait démence exécrable » (L, 378). — Cf. encore l’Ode sur la guerre des Russes contre les Turcs, XII, 492.

  1. Dict. phil., Guerre, XXX, 141 sqq.
  2. >« Comment l’attaque en pleine paix peut-elle être le seul moyen d’empêcher cette destruction ? Il faut donc que vous