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MORALE

gèrent dans la cause de Calas, c’est qu’il voulait réhabiliter sa patrie devant les autres nations. « Vous me demanderez peut-être, écrit-il à d’Argental, pourquoi je m’intéresse si fort à ce Calas qu’on a roué : c’est que je vois tous les étrangers indignés (27 mars 1762). « Je vois des étrangers, des gens de tous les pays, et je vous réponds que toutes les nations nous insultent et nous méprisent » (4 avr. 1762). De même dans l’affaire Sirven : « Ce jugement, écrit-il à l’abbé Audra, est horrible et déshonore la France parmi les étrangers. Vous travaillez, monsieur, non seulement pour secourir l’innocence opprimée, mais pour rétablir l’honneur de la patrie » (4 sept. 1769). Et encore dans l’affaire La Barre : « Depuis Archangel, Jassy, Belgrade et Rome, on nous reproche La Barre comme Rosbach… ; il est triste pour nos jolis Français de n’être plus regardés dans toute l’Europe que comme des assassins poltrons » (Lettre à Condorcet, 23 nov. 1774 ; édition Moland, XLIX, 131).

Faut-il rappeler d’autre part le patriotisme dont s’inspirent les ouvrages historiques de Voltaire ? Ce patriotisme a souvent prévalu, dans le Siècle de Louis XIV par exemple, sur son impartialité d’historien. « Je crois écrit-il, à M. Berger, que vous verrez dans l’Essai sur le Siècle de Louis XIV un bon citoyen… L’objet que je me propose a, me semble, un grand avantage ; c’est qu’il ne fournit que des vérités honorables à la nation » (1739 ; LIII, 580). Les vérités qui pourraient n’être pas honorables, il les cache[1]. « J’ose croire, écrit-il à Mme Denis, que ceux

  1. Cf. par exemple Lettre au maréchal de Noailles, 28 juill. 1752 : « J’ai vu des dépêches de M. de Chamillart qui, en vérité, étaient le comble du ridicule et qui seraient capables de déshonorer