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MORALE

aimer… les créatures ; il faut aimer sa patrie, sa femme, son père, ses enfants ; il faut si bien les aimer, que Dieu nous les fait aimer malgré nous » (Remarques sur les Pensées de Pascal, XXXVII, 50). À Mme du Deffand, il écrit : « On aime toujours sa patrie, malgré qu’on en ait ; on parle toujours de l’infidèle avec plaisir » (23 sept. 1752) ; et à Jean-Jacques : « Il faut aimer sa patrie, quelques injustices qu’on y essuie » (30 août 1755).

Nous l’avons vu plus haut souhaiter, dans une lettre à Frédéric, que d’Etallonde envahit Abbeville. Mais, la même année, il écrit au même Frédéric : « Je voulais vous voir partager la Turquie avec vos deux associés. Cela ne serait peut-être pas si difficile, et il serait assez beau de terminer là votre brillante carrière ; car, tout Suisse que je suis, je ne désire pas que vous preniez la France » (18 nov. 1772). Et si, dans cette lettre, il se dit Suisse par plaisanterie, il n’en restait pas moins bien Français de cœur. Ni à Berlin, ni à Ferney, il n’a garde d’oublier sa patrie. Il écrit de Berlin à d’Argental, avant sa brouille avec Frédéric : « Si j’étais bon Français à Paris, à plus forte raison le suis-je dans les pays étrangers » (23 sept. 1750). À Mme Denis : « Je ne suis point naturalisé Vandale » (24 déc. 1751) ; et, dans une autre lettre : « On prétend toujours que j’ai été Prussien. Si on entend par là que j’ai répondu par de l’attachement et de l’enthousiasme aux avances singulières que le roi de Prusse m’a faites pendant quinze années de suite, on a grande raison ; mais si on entend que j’ai été son sujet et que j’ai cessé un moment d’être Français, on se trompe » (9 juill. 1753). Puis, devenu habitant de la Suisse, il écrit à