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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

métaphysiciens. Selon lui, la métaphysique « contient deux choses : la première, tout ce que les hommes de bon sens savent : la seconde, ce qu’ils ne sauront jamais » (Lettre à Frédéric, 17 avr. 1737)[1]. Les systèmes dont elle se glorifie sont des débauches de l’imagination ; il la traite de roman[2] ; il la compare à la coxigrue de Rabelais[3]. Aussi se défend-il d’y perdre son temps ; à quoi bon chercher des secrets que nous ne pouvons découvrir ? On a beau lui crier : « Votre philosophie est celle d’un paresseux. » Non, elle est le repos raisonnable du sage qui a couru en vain ; et, après tout, philosophie paresseuse vaut mieux que chimères[4].

  1. Cf. Lettre à M. des Alleurs, 26 nov. 1738 : « Il y a deux points dans cette métaphysique : le premier est composé de trois ou quatre petites lueurs que tout le monde aperçoit également ; le second est un abîme immense où personne ne voit goutte. » — Lettre à Frédéric, 4 ou 5 juin 1740 : « Je mets volontiers à la fin de tous les chapitres de métaphysique cet N et cet L des sénateurs romains qui signifiaient non liquet, et qu’ils mettaient sur leurs tablettes quand les avocats n’avaient pas assez expliqué la cause. » — Cf. encore l’article Bien du Dictionnaire philosophique, XXVII, 360. Et, dans l’Histoire de Jenni : « Les disputes métaphysiques ressemblent à des ballons remplis de vent que les combattants se renvoient. Les vessies crèvent, l’air en sort, il ne reste rien » (XXXIV, 385).
  2. « Plus je vais avant et plus je suis confirmé dans l’idée que les systèmes de métaphysique sont pour les philosophes ce que les romans sont pour les femmes » (Courte réponse aux longs Discours d’un docteur allemand, XXXVIII, 526). — « La métaphysique est plus amusante [que la géométrie] ; c’est souvent le roman de l’esprit. En géométrie, au contraire, il faut calculer, mesurer. C’est une gêne continuelle, et plusieurs esprits ont mieux aimé rêver doucement que se fatiguer. » (Dict. phil., Métaphysique, XXXI, 205).
  3. « Vanitas vanitatum et metaphysica vanitas. Toute métaphysique ressemble assez à la coxigrue de Rabelais, bombillant ou bombinant dans le vide » (Lettre à d’Argenson, 15 avr. 1744).
  4. Dict. phil., Faculté, XXIX, 314.