Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

cinq mondes parce qu’il n’y a que cinq corps réguliers. On le qualifie de sublime sans le comprendre. À ses divagations en vingt volumes tout vrai philosophe préférerait une bonne expérience[1].

Aristote était doué d’un esprit plus étendu et plus solide. Sa morale, sa rhétorique, sa poétique méritent de grands éloges, et sa logique servit beaucoup l’esprit humain en prévenant les équivoques. Son histoire naturelle est elle-même un excellent livre qui se compose le plus souvent d’observations directes et personnelles. Mais, si sa physique ne vaut rien, — car, dépourvu des instruments et des machines nécessaires, il raisonnait, comme tous les physiciens d’autrefois, sur ce qu’il ne pouvait voir, — sa métaphysique ne le cède pas en absurdité à celle de Platon. L’âme, déclare-t-il, est une entéléchie. À la bonne heure. Cela veut dire tout simplement que nous avons la faculté de sentir et de penser ; Aristote savait ce qu’est une entéléchie comme les Topinambous et nos docteurs savent ce qu’est une âme. Pourquoi l’a-t-on interprété de tant de manières diverses ? Parce qu’il ne dit rien d’intelligible. Non moins que Platon il

  1. L’article Platon du Dictionnaire philosophique se borne presque à railler les théories platoniciennes sur la trinité, le verbe, etc.; et Voltaire conclut : « J’avoue qu’il n’y a point de philosophe aux petites-maisons qui ait jamais si puissamment raisonné » (XXXI, 442). — Cf. Dict. phil., Chaîne des étres créés : « Ô Platon tant admiré, j’ai peur que vous ne nous ayez conté que des fables, et que vous n’ayez jamais parlé qu’en sophismes » (XXVII, 563). — Ibid., Sophistes : « Y a-t-il rien dans la littérature de plus dangereux que des rhéteurs sophistes ? Parmi ces sophistes, y en eut-il jamais de plus inintelligibles et de plus indignes d’être entendus que le divin Platon ? » (XXXII, 240). — Cf. encore Siècle de Louis XIV, XX, 340, Lettre à l’abbé d’Olivet, 12 févr. 1736 ; Dict. phil., Athéisme, XXVII, 171 ; Dialogues d’Évhémère, L, 189.