pour tous les jours de sa vie à préserver une contrée d’inondation par des digues, ou à creuser des canaux qui facilitent le commerce, ou à dessécher des marais empestés, rend plus de services à l’État qu’un squelette branlant à un poteau par une chaîne de fer ou plié en morceaux sur une roue de charrette » (Prix de la Justice et de l’Humanité, L, 265)[1]. C’est surtout au point de vue de l’intérêt social que se met ici Voltaire. Et il voit bien l’objection qui peut lui être faite, au point de vue de l’humanité même, si maints coupables trouvent une longue et ignominieuse peine plus cruelle que la mort. Mais « le grand objet », selon lui, consiste à « servir le public » ; il s’agit de discuter quelle est la punition la plus utile et non quelle est la plus douce[2].
Quant à la torture, Voltaire la tient légitime « pour des scélérats avérés qui auront assassiné un père de famille ou le père de la patrie » (Comment. sur le Livre des délits, XLII, 447). Dans tout autre cas, il veut qu’on l’abolisse. Quoi de plus odieux que de torturer un homme sans savoir s’il est coupable et
- ↑ « Une infinité de scélérats pourraient faire autant de bien à leur pays qu’ils leur auraient fait de mal. Un homme qui aurait brûlé la grange de son voisin ne serait point brûlé en cérémonie, mais, après avoir aidé à rebâtir la grange, il veillerait toute sa vie, chargé de chaînes et de coups de fouet, à la sûreté de toutes les granges du voisinage. Mandrin, le plus magnanime de tous les contrebandiers, aurait été envoyé au fond du Canada se battre contre les sauvages, lorsque sa patrie possédait encore le Canada. Un faux monnayeur est un excellent artiste. On pourrait l’employer dans une prison perpétuelle à travailler de son métier à la vraie monnaie de l’État… Un faussaire, enchaîné toute sa vie, pourrait transcrire de bons ouvrages ou les registres de ses juges » (Prix de la Justice et de l’Humanité, L, 271).
- ↑ Prix de la Justice et de l’Humanité, L, 265.