Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
POLITIQUE

absolument faire mourir la mère ? » (XLII, 419). À cet exemple de peine exorbitante, Voltaire en joint plusieurs autres : celui du chevalier La Barre, traits comme la Brinvilliers ; celui des ministres calvinistes, pendus pour un proche ; celui d’un négociant condamné aux galères perpétuelles parce qu’il avait fait venir des lingots d’Amérique et les avait secrètement convertis en monnaie ; celui des domestiques infidèles, qui, n’eussent-ils dérobé que de menus objets, sont punis de mort[1] ; celui des voleurs de grande route, auxquels on inflige le même châtiment qu’aux assassins. Une pareille disproportion entre le délit et la peine révolte l’humanité. Aussi bien elle est nuisible à l’état social. Par exemple, dans le cas d’un vol domestique, beaucoup de maîtres ne réclament pas l’application de lois trop rigoureuses ; ils se contentent de chasser le coupable, et celui-ci va dérober ailleurs. Mais, d’autre part, en châtiant la rapine de la même peine que l’assassinat, on invite les brigands à se faire assassins pour exterminer les témoins de leur crime[2].

Telles sont les principales réformes que Voltaire demanda dans l’ordre politique, social, administratif, judiciaire. La plupart ont été faites, et certaines, vu le progrès du temps, nous semblent aujourd’hui bien insuffisantes. Ce n’est pas une raison pour en rabaisser la valeur : elles auraient pu, sans revolution, renou-

  1. Une jeune servante fut pendue a Lyon, en 1772, pour avoir volé douze serviettes à sa maîtresse (Prix de la Justice et de l’Humanité, L, 257 ; Dict, phil., Supplices, XXXII, 283).
  2. Commentaire sur le Livre des délits, XLII, 431, 461, etc.) Prix de la Justice et de l’Humanité, L, 257, 260, etc.