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RELIGION

Hostile à toutes les religions particulières, Voltaire combat principalement la religion dite catholique. Nous verrons plus loin quels griefs spéciaux il avait contre elle. Mais, quand même les superstitions et les abus du catholicisme ne lui eussent pas semblé plus haïssables et plus dangereux que ceux des autres religions, il devait en être touché plus sensiblement comme les voyant de plus près.

Dès le début, Voltaire s’y attaqua. Au collège, son professeur d’éloquence, le Père Lejay, lui prédit qu’il serait un jour « l’étendard des déistes »[1]. On divise sa carrière en deux parties ; et, dans la seconde, depuis qu’il s’est établi à Ferney, la lutte contre le catholicisme l’absorbe presque entièrement. Mais, dans la première elle-même, si d’autres objets le divertirent, il ne perdit jamais de vue cet objet essentiel. L’abbé de Voisenon, qui avait lu ses lettres à Mme du Châtelet, dit qu’elles renfermaient « plus d’épigrammes contre la religion que de madrigaux pour sa maîtresse ». Son Épître à Urani[2] commence par les vers suivants :

Tu veux donc, belle Uranie,
Qu’érigé par ton ordre en Lucrèce nouveau,
Devant toi, d’une main hardie,
Aux superstitions j’arrache le bandeau,
Que j’expose à tes yeux le dangereux tableau
Des mensonges sacrés dont la terre est remplie.

(XII, 15.)


Cette épître « érigeait » déjà Voltaire en héraut de la propagande anticatholique. Le lieutenant de police

  1. Ce n’est là peut-être qu’une légende postiche.
  2. Ou Le Pour et le Contre. Écrite sans doute en 1722, imprimée dix ans plus tard.