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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/111

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laisser ses entretiens, où il s’efforçait de masquer ses souffrances par l’ironie. À peu près à cette date, il fit chez Mme Agasse la connaissance d’une femme dont l’influence fut grande sur lui : c’était Mme Buffon[1], veuve d’un médecin du comte d’Artois, femme d’esprit qui avait été élevée à la cour de la duchesse du Maine, et à qui son âge et sa situation avaient donné une grande expérience. C’était, nous dit un contemporain[2] qui l’a connue, « une femme bien vive… bien spirituelle… avec une physionomie pleine d’âme et d’expression… parlant bien, mais beaucoup trop peut-être pour toujours bien parler ; elle avait conservé tout l’empire de son sexe, qu’elle n’exerçait plus que sur le cœur, par l’esprit qu’elle avait aussi jeune, aussi aimable qu’à quinze ans ». Attiré vers elle, Chamfort se mit en peine de lui plaire ; comme entre elle et lui se rencontrait « une réunion complète d’idées, de sentiments et de positions[3] », il conçut pour elle une de ces « amitiés passionnées » où l’on a « le bon-

  1. Ginguené ne désigne l’amie de Chamfort que par son initiale (Mme B…). Les biographes de notre temps, qui n’avaient plus de raisons pour être discrets, ne l’ont pas nommée, sans doute parce qu’ils ne savaient pas son nom. En allant visiter Vaudouleurs (cominune de Morigny-Champigny), nous avons, grâce à l’obligeance de l’instituteur, M. Brizemure, trouvé dans les registres de Saint-Germain-lès-Estampes (aujourd’hui Morigny), l’acte de décès suivant : « L’an mil sept cent quatre-vingt-trois, le vingt-neuf août, dame Marthe-Anne Buffon, veuve de M. Buffon, premier médecin de Mgr le comte d’Artois, de Madame la comtesse et des princes leurs enfants, âgée d’environ cinquante-cinq ans, décédée du jour d’hier, a été inhumée… etc. ». Outre qu’elle révèle le nom de l’inconnue de Chamfort, cette pièce offre cet intérêt qu’elle détruit la légende d’après laquelle il se serait marié avec cette rare amie ; on a vu qu’elle est qualifiée de veuve.
  2. Aubin, dans le Chamfortiana, XVI.
  3. Ed. Auguis, V, 275.