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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/129

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cience de faire, de concert, comme une veillée des armes.

Cette correspondance, dont il ne nous reste que les lettres de Mirabeau, s’ouvre à la date du 4 décembre 1783. La première lettre atteste qu’il y a dès lors entre ces deux hommes, non pas encore de l’intimité, mais déjà de la familiarité : ce qui indique que les deux correspondants avaient dû entrer en relations à une époque antérieure. Où et quand s’étaient-ils connus ? Il se peut que Talleyrand les ait rapprochés dès 1779. Peut-être aussi se rencontrèrent-ils vers 1780 ou 1781, au temps où Mirabeau, sorti du donjon de Vincennes, ne s’était pas encore constitué prisonnier à Pontarlier. Franklin venait alors souvent visiter Mme Helvétius à Auteuil et, chez cette aimable femme, et chez lui-même à Passy, se pressaient les écrivains, les utopistes et même les simples curieux désireux de le voir et de l’entendre. Mirabeau ne pouvait guère manquer de se rendre à ces réunions, où passa tout Paris ; et, dans le cercle de Mme Helvétius, où Chamfort, comme on sait, se faisait écouter[1], le futur tribun, aigri alors par tant de malheurs mérités ou non, remarqua probablement le causeur spirituellement amer qui, devant cet auditoire de choix, se donnait toute liberté d’être agressif. Les traverses par lesquelles Mirabeau

  1. On ne saurait douter que Chamfort et Franklin se soient rencontrés et connus chez Mme Helvetius. On sait que Franklin, en 1781, écrivit à Mme Helvétius une lettre badine, où il contait avoir vu, aux enfers, Helvétius marié avec Mme Franklin. « Vengeons-nous », disait-il, en terminant. Or. un contemporain (Castéra) nous dit que la copie qu’il a de cette lettre intime est de la main de Chamfort.