Aller au contenu

Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans Chamfort, l’observateur bien informé et le moraliste original « riche en résultats moraux…, en vues profondes, en aperçus nouveaux[1] » ; quand il se réjouit de trouver, dans ses entretiens avec lui, un partner toujours fécond en ressources : « Je ne peux résister, lui écrivait-il, au plaisir de frotter la tête la plus électrique que j’aie jamais connue[2] ». Ne trouve-t-on pas comme contrôle de cette parole ce que Chamfort, qui savait comme Mirabeau aimait à faire valoir l’esprit des autres, disait, un jour, à Vitry, leur ami commun : « Mirabeau est précisément le briquet qu’il faut à mon fusil » ? Et, certainement encore, Mirabeau parle sans hyperbole et sans feinte, quand il déclare que, s’il tentait quelque grand ouvrage philosophique, il voudrait avoir Chamfort pour inspirateur et pour guide.

« Je n’ai jamais si bien senti combien vous étiez nécessaire pour m’encourager et me guider… un grand ouvrage de morale et de philosophie, je ne l’entreprendrai jamais qu’auprès de vous, qui êtes la trempe de mon âme et de mon esprit[3]. »

C’est que, à bien prendre les choses, la haute idée que Mirabeau se fait de l’intelligence de Chamfort vient surtout de la grande estime où il tient son caractère ; en fait, Chamfort a sur lui une autorité surtout morale. Voilà ce que de nombreux passages de la correspondance manifestent jusqu’à l’évidence. Un jour, Mirabeau écrira ceci :

  1. Ed. Auguis, V, 354.
  2. Ed. Auguis, V, 406.
  3. Ed. Auguis, V, 418.