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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/156

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CHAMFORT

être ses abus, a amené un progrès d’humanité et de raison ? — Au reste, la société, aux yeux de Chamfort, n’est point seulement le résultat de nécessités extérieures ; mais il estime qu’elle naît d’un besoin intime, d’une aspiration spontanée de l’âme humaine. C’est, dit-il très explicitement, « la nature qui a formé les hommes pour la société [1] ». Avec Chamfort nous n’avons donc point affaire à un utopiste épris de théories anti-sociales.

Mais en même temps qu’il reconnaît que la nature a donné à l’homme « tout le bon sens nécessaire pour former une société raisonnable[2] », il constate aussi que, pour des causes diverses, qu’il n’indique point d’ailleurs, mais qui, sans doute, sont d’ordre historique, la société, telle qu’il l’a sous les yeux, « n’est pas, comme on le croit d’ordinaire, le développement de la nature, mais bien sa décomposition et sa refonte entière[3] ». C’est ainsi que « la société a ajouté aux maux de la nature[4] » en la comprimant, en la faussant au lieu de la développer et de la régler. Avec le temps, là où il devait y avoir harmonie, il y a eu antagonisme. « Telle est la misérable condition des hommes qu’il leur faut chercher, dans la société, des consolations aux maux de la nature, et, dans la nature, des consolations aux maux de la société[5] » Et cet antagonisme qui, selon lui, vient de la faute des hommes, non des choses, est

  1. Ed. Auguis. I, 449.
  2. Ed. Auguis. I, 449.
  3. Ed. Auguis. I, 339.
  4. Ed. Auguis. I, 354.
  5. Ed. Auguis. I, 358.