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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/172

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CHAMFORT

pour être admis, laisser dans son application, aux chefs de corps, au ministre du département de la guerre, et, en dernière analyse, à la sanction de l’autorité. Il était aisé de ne faire que des exceptions ; mais cette convention tacite n’eût pas dû être changée en ordonnance réglementaire[1]. » L’aveu est on ne peut plus significatif, et confirme bien tout ce que Chamfort a dit et pensé de la politique abusivement exclusive de la noblesse sous les règnes de Louis XV et Louis XVI.

Cet exclusivisme est d’ailleurs tout ce qu’elle a retenu des mœurs publiques de la féodalité. Plus de dignité chez les plus grands seigneurs ; on les trouve disposés aux plus bas valetages ; le duc de Richelieu, dans ses Mémoires, se défend d’avoir donné Mme de Châteauroux pour maîtresse à Louis XV ; mais ce n’est pas qu’il trouve une pareille démarche blâmable en elle-même, « puisqu’il déclare que cette complaisance est la moindre qu’on puisse avoir pour son roi, et qu’il voit fort peu de différence entre lui procurer une maîtresse et lui faire agréer un bijou[2] ». Quelques-uns même se targuent tout haut de leur humiliation : « Le comte d’Argenson, homme d’esprit, mais dépravé, et se jouant de sa propre honte, disait : « Mes ennemis ont beau faire, ils ne me culbuteront pas ; il n’y a ici personne plus valet que moi[3] ». On conçoit après cela qu’ils ne sauraient répugner au manège de l’intrigue, ni même à l’attitude de la mendi-

  1. Tilly, Mémoires, p. 368 (Paris, Firmin-Didot, in‑18).
  2. Ed. Auguis, III, 263.
  3. Ed. Auguis, II, 23.