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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/213

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donné ? Il est certain aussi qu’ils n’ont pas eu à élever contre lui de griefs personnels. Chamfort ne les défendit point ; mais c’est qu’il n’eut pas l’occasion de les défendre ; d’Artois, Condé, Vaudreuil, ne furent-ils pas entre les premiers qui prirent le chemin de l’émigration ? Et, dans aucun des nombreux articles qu’il écrivit aux heures de lutte passionnée, on ne peut lire une ligne qui contienne une calomnie, une injure, ou même une raillerie contre les grands seigneurs qu’il avait jadis fréquentés. « Dans l’énoncé le plus libre de mes opinions, j’ai constamment, dit-il, respecté les personnes, déféré à tous les souvenirs[1]. » Il pouvait véritablement se rendre ce témoignage. En 1795, si près des événements et des hommes, Rœderer écrivait sans crainte d’être démenti :

« On lui a reproché d’avoir été ingrat envers des amis qui l’avaient obligé pendant leur puissance ; et l’on s’est fondé sur son ardeur à poursuivre les abus dont ils vivaient. La belle raison ! La preuve que Chamfort ne fut point ingrat, c’est qu’il resta attaché à ses amis dépouillés d’abus, comme il l’avait été quand ils en étaient revêtus[2]. »

Pour rendre plus odieuse la prétendue ingratitude de Chamfort, ses ennemis soutinrent qu’il y fut poussé par la cupidité. Parasite de la royauté et de l’aristocratie, il les aurait abandonnées, d’après eux, pour devenir avec plus d’avantages le parasite des nouveaux maîtres. Ecoutez Rivarol :

« Des gens inexorables en fait de probité l’ont accusé

  1. Ed. Auguis, V, 312.
  2. Ed. Auguis, V, 344.