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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/218

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CHAMFORT

Nationale, « il n’avait pas vu plus l’un que l’autre », affirme Mme Roland. Pour transformer en parasite cupide un solliciteur si peu diligent, il faudrait donc se refuser à tenir compte des témoignages les plus autorisés et des faits eux-mêmes. Et, sur ce point encore, Rœderer a rendu à la mémoire de son ami l’hommage véridique qui lui était dû. « Son intérêt, dit-il, n’a été pour rien dans sa conduite. Toujours Chamfort s’y montra supérieur ; disons plus il en fut toujours l’ennemi[1]. » Au reste, après sa mort, les objets mobiliers trouvés chez lui furent évalués au total à la somme de 189 livres 15 sols. Il y avait en outre dans son appartement 3655 livres en assignats et 3 livres 16 sols en gros sols[2]. La vente de ses livres ne suffit pas à payer ses dettes. On reconnaîtra que ce n’est pas là la fin d’un thésauriseur.

Sainte-Beuve, qui, peut-être, n’ignorait pas ces détails, semble assez disposé à acquitter Chamfort du chef de cupidité ; mais, pour expliquer son ardeur révolutionnaire, il lui prête une passion moins basse sans doute, mais peu honorable encore.

« Autrefois, dit-il, quand il (Chamfort) allait dans le monde, il avait souffert de n’avoir pas de voiture à lui. « J’ai une santé délicate et la vue basse, écrivait-il à un ami vers 1782, je n’ai gagné jusqu’à présent que des boues, des rhumes, des fluxions et des indigestions, sans compter le risque d’être écrasé vingt fois par hiver. Il est temps que cela finisse. » En effet, il répétait souvent en 1791 et en 1792 : « Je ne croirai pas à la Révolution française tant que je verrai ces carrosses et ces cabriolets écraser les

  1. Ed. Auguis, V, 342.
  2. Archives nationales.