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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/233

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conspirait la nécessité même ? Quelle vaine entreprise que de prétendre faire la Révolution, alors que, d’elle-même, elle se faisait ! « La Révolution, disait Chamfort, n’est l’ouvrage d’aucun homme, d’aucune classe d’hommes ; elle est l’œuvre de la nation entière[1]. » Et l’on doit penser de lui ce qu’il pensait de ceux qui jouèrent les premiers rôles dans cette grande crise : " « Il est également vrai, disait-il, pour l’Amérique et pour la France, que les chefs apparents de la Révolution ont pu en être les fanaux, mais n’en ont point été les boute-feux[2] ».

Il ne paraît donc pas, s’il y eut alors des complots et des menées ténébreuses, que Chamfort s’y soit jamais mêlé. En revanche, tout porte à croire qu’il fut résolument partisan de la lutte à main armée et au grand jour. Conspirateur ? sans doute, non. Insurgé ? il y a toute apparence. Hetzel, sur je ne sais quelle autorité, affirme qu’il « entra un des premiers à la Bastille[3] ». Il est certain que, dans ses Tableaux de la Révolution, son récit a souvent l’accent, non pas seulement d’un témoin, mais d’un acteur. Nul doute qu’il prit tout à fait au sérieux l’axiome révolutionnaire proféré par La Fayette : « L’insurrection est le plus saint des devoirs[4] ». Parce qu’il juge la Révolution nécessaire, il trouve légitime la rébellion qui rend sa marche plus prompte et ses progrès plus décisifs.

  1. Ed. Auguis, II, 361.
  2. Ed. Auguis, III, 323.
  3. Chamfort, par P.J. Stahl. (Paris, Hetzel, in-18, p. 37.)
  4. Ed. Auguis, II, 381.