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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/253

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nions républicaines ; mais dès lors il est classé et regardé non seulement comme un soldat, mais comme un des chefs du parti. « Avec le secours du ci-devant marquis de Condorcet, dit le journal les Sabbats Jacobites, il (Brissot) avait fait choix des plus vertueux citoyens de la France pour les mettre à la tête de sa République. Je vais en donner ici la liste telle qu’elle a été trouvée dans les papiers de M. Brissot… » Et, sur cette prétendue liste, on voit en tête Brissot et Condorcet comme consuls, puis Prieur, Millin, Buzot, Chamfort, et d’autres, comme sénateurs[1].

De même qu’il prenait ainsi l’avance sur l’opinion moyenne de son temps par ses doctrines politiques, il la distançait au moins autant par ses idées sociales. Bien qu’il ait donné à Sieyès le titre de sa fameuse brochure, il ne faut pas croire qu’il n’ait vu dans la Révolution que l’avènement d’une classe nouvelle. « Vous avez, lui disait Lauraguais, donné à Sieyès le peuple à vendre au Tiers-État. — Je m’en pendrai, répliqua Chamfort[2]. » Et, en effet, il n’était pas de ceux, nombreux alors, qui se fussent tenus satisfaits de substituer l’aristocratie de la fortune à celle de la naissance. Déjà, sous l’ancien régime, il avait compris qu’il fallait se défier de l’égoïsme bourgeois : « Tout ce qui sort de la classe du peuple, disait-il, s’arme contre lui pour l’opprimer, depuis le milicien, le négociant devenu secrétaire du roi, le prédicateur sorti d’un village pour prêcher la soumission au pouvoir ar-

  1. Les Sabbats Jacobites (tome III, p. 294).
  2. Lettres de J.-B. Lauraguais à Madame… (an X, in-8o).