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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/279

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Tableaux de la Révolution annonçait nettement son dessein de faire de la propagande révolutionnaire, l’écrivain ne pouvait songer à se donner pour impartial et, partant, courait le risque d’être suspecté de n’être point exact. Ne pouvait-on point penser aussi que, suivant les cas, il hausserait le ton de l’apologie ou rembrunirait les teintes de la satire ?

À en croire Auguis, c’est là justement ce qui serait arrivé à Chamfort :

« Il nous semble, dit-il, que les Tableaux de la Révolution sont peints moins avec les couleurs de l’histoire qu’avec les passions du temps… Il n’est pas étonnant que, placé sur le cratère, au milieu des éclairs et des détonations, il porte dans ses récits le feu et la chaleur de tout ce qu’il entend… C’est vainement que le sang innocent a coulé, que le trône est ébranlé jusqu’en ses fondements, que la couronne chancelle sur le front des rois, que l’anarchie dresse une tête altière, et que les institutions s’écroulant ne laissent après elles que le désordre : tranquille au milieu de leurs ruines, il ressemble aux filles d’Æson, qui attendent des maléfices de Médée le rajeunissement de leur vieux père[1]. »

Mais ces lignes d’Auguis datent de 1824, c’est-à-dire des belles années de la Restauration, et il n’en faut pas plus pour expliquer tout « ce tintamarre et ce brouillamini », comme eût dit M. Jourdain.

À juger les choses posément, sans déclamation et sans comparaisons mythologiques, il est permis d’estimer que, si Chamfort n’a pas fait complète-

  1. Ed. Auguis, II, Avant-Propos, v.