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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/282

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CHAMFORT

reau Saint-Méry, après avoir, le 9 juillet, donné leur démission de présidents des électeurs, « pour n’être pas comptables aux despotes de l’énergie de l’Assemblée », se hâtent de reprendre leurs fonctions quand l’insurrection est triomphante. « La prise de la Bastille, ajoute-t-il ironiquement, acheva de les rendre intrépides[1]. »

L’imagination n’est point, d’ordinaire, le fait de Chamfort ; mais ici, encore plein de l’émotion puisée dans des spectacles dont il avait été le plus souvent témoin et que le burin du graveur replaçait sous ses yeux, il a pu peindre certaines scènes d’une couleur franche et vive, sinon éclatante. L’effarement de la population parisienne dans la nuit du 12 au 13 juillet, la marche de nuit des Gardes Françaises contre les troupes campées aux Champs-Elysées, la promenade du peuple après l’enlèvement des armes au Garde-Meuble, le Palais-Royal le jour de la mort de Foulon, tout cela forme autant de descriptions pleines d’animation et de vérité ; et l’on s’étonnerait de ne pas les trouver dans les anthologies, si l’on ne songeait que les Pensées et Anecdotes de Chamfort ont relégué dans l’ombre le reste de son œuvre.

Selon toute apparence, c’est à ces Tableaux de la Révolution qu’il dut d’être nommé à la Bibliothèque Nationale[2]. Au mois d’août 1792, il y avait un an déjà qu’il poursuivait l’entreprise commencée par Fauchet et faisait œuvre d’écrivain patriote. Or le

  1. Ed. Auguis, II, 199,
  2. Le brevet est daté du 19 août 1792, l’an IVe de la Liberté, ainsi que la lettre qui l’accompagne. Voir le Moniteur.