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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/35

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Tout n’est pas bien : lisez l’écrit,
La preuve en est à chaque page ;
Vous verrez même en cet ouvrage
Que tout est mal comme il le dit[1].

En cette année 1759, en même temps que Candide, parurent les Lettres de deux amants écrites au pied des Alpes. Le roman de Voltaire est le chef-d’œuvre de cet esprit cynique et sec, de cette méchanceté, qui avait été la maladie du commencement du xviiie siècle. Julie fut, au contraire, suivant le mot de Michelet, « la résurrection du cœur » ; et par là ce livre eut un succès d’enthousiasme. Rousseau avait conquis les jeunes gens et les femmes et, comme le remarque Chamfort, il se forma « une génération nouvelle remplie d’admiration pour Rousseau, nourrie de ses ouvrages, non moins éprise de ses vertus que de ses talents, qui, dans l’enthousiasme de la jeunesse, avait marqué les hommages qu’elle lui rendait de tous les caractères d’un sentiment religieux[2] ». C’est donc Rousseau que Chamfort a pris d’abord pour maître, c’est Rousseau qui, à ses débuts, lui donna le ton.

Cette influence se marque d’une façon aimable et naïve dans la Jeune Indienne, petit acte en vers joué à la Comédie-Française, le 30 avril 1764. Un jeune Anglais, Belton, pris de la passion des voyages, a quitté sa famille, et, après un naufrage, il a été jeté mourant dans une île où il est soigné et sauvé par un vieillard et sa fille. Le vieillard mort,

  1. Éd. Auguis, V, 222.
  2. Éd. Auguis. III. 386.