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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/40

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comme on disait alors, le nœud de la pièce. Belton ne songerait pas un seul moment à abandonner Betti, s’il ne redoutait


Le mépris, ce tyran de la société,
Cet horrible fléau, ce poids insupportable
Dont l’homme accable l’homme et charge son semblable[1].

Et ce sentiment impatient et ombrageux, cette préoccupation inquiète de préserver sa dignité contre toute atteinte est justement le point résistant autour duquel, pour ainsi parler, devait se former le caractère de Chamfort.

Quelques mois après la représentation de la Jeune Indienne, l’Académie lui décerna un prix de poésie pour son Épître d’un père à son fils sur la naissance d’un petit-fils. Ici encore nous retrouvons la marque de l’influence de Rousseau ; ce n’est plus du Discours sur l’inégalité et de la Nouvelle Héloïse que s’inspire le poète ; l’Émile a paru en 1762 ; le grand-père que fait parler Chamfort n’a pas négligé de le lire. Il a même, semble-t-il, devancé quelques-uns des conseils de Rousseau. « Au jour de ta naissance, dit-il à son fils,


Je te pris dans mes bras ; un serment solennel
Promit de l’élever dans le sein paternel. »

Rousseau pourtant n’avait pas encore pu écrire la phrase fameuse : « Comme la véritable nourrice est la mère, le véritable précepteur est le père ».

  1. Ed. Auguis, IV, p. 322.