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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/43

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seulement des protecteurs, mais aussi des amis : c’était Delille, son compatriote, peu connu encore, mais déjà goûté de ceux qui le connaissaient ; c’était Sélis, un jeune professeur de rhétorique, plein d’esprit et de bonnes lettres ; c’était Saurin, déjà vieux, mais bienveillant, aimable, vivant heureux et souriant près de sa charmante femme ; c’était encore Thomas et Ducis dont Chamfort admirait la fraternelle amitié ; tous hommes d’un caractère estimable, de mœurs simples, et qui, quelle que fût leur doctrine morale, vécurent avec dignité, en stoïciens pratiques. Nul doute que ces relations n’aient été profitables à Chamfort ; elles furent sa sauvegarde aux heures de la jeunesse ; grâce à elles, au milieu même de ses dissipations, il sut toujours défendre son honnêteté et sa générosité natives.

Jeune, beau, spirituel, il fut en effet, après son succès de la Jeune Indienne, très fêté et très recherché dans le monde des théâtres ; son prix académique lui avait ouvert aussi les salons ; et, à ce moment, les salons n’étaient pas beaucoup plus sévères que les coulisses. Chamfort, d’ailleurs, l’a déclaré ne songea pas à vaincre ses passions ; avec elles il ne sut faire rien autre que les détruire… en les satisfaisant. Autant qu’homme du siècle, il eut ce qu’on a appelé depuis une éducation sentimentale. Si l’on en croit les Actes des Apôtres, Mlle Guimard fut une des premières femmes qu’il aima : « Mlle Guimard, dit le malin journal, qui imagine des confidences de Chamfort, était[1] alors une des plus agréables danseuses de la nation ; je me fis une des

  1. Actes des Apôtres, tome XX. p. 112.