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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/58

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CHAPITRE III

SES SUCCÈS À l’ACADÉMIE ET AU THÉÂTRE.

Jusqu’aux approches de la quarantaine, jusque vers 1780, rien dans la vie ou les œuvres de Chamfort ne nous semble annoncer ce que l’on a nommé sa misanthropie et son pessimisme. Nous ne le voyons ni aigri, ni assombri, ni désenchanté, pas même assagi encore ; car le plaisir a beau lui avoir coûté la santé, il l’aime toujours et n’y renonce pas. Il nous paraît seulement plus enclin aux pensées sérieuses et même mélancoliques. La maladie l’oblige fréquemment à faire des retours sur lui-même : le souci des affaires publiques, qu’il sent aussi vivement qu’aucun homme de son temps, l’invite à examiner la société au milieu de laquelle il vit ; ses travaux littéraires enfin le poussent à observer la nature humaine. N’est-ce pas à ce moment qu’il écrit ses dissertations sur Molière et sur La Fontaine, c’est-à-dire sur les deux hommes qui, peut-être, dans l’étude des mœurs, ont apporté le plus de haute clairvoyance et de sincérité ? C’est vraiment l’époque où Chamfort fait son apprentissage de moraliste.

Avant même qu’il eût définitivement renoncé à la poésie, la politique l’attirait déjà. Vers 1766,