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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/62

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suite, M. l’abbé de Boismont, Directeur, après avoir fait une espèce d’amende honorable à Molière, au nom de l’Académie, qui, le comptant au rang de ses maîtres, le voyait toujours avec une douleur amère omis entre ses membres, a déclaré que, pour réparer cet outrage autant qu’il était en elle, elle avait proposé son éloge au concours des jeunes candidats ; que M. de Chamfort avait obtenu le prix ; que trois autres pièces avaient fait regretter aux juges de n’avoir qu’un prix à donner et qu’une quatrième avait approché de très près celles-ci. Duclos s’était levé ensuite, pour inviter les auteurs qui avaient concouru avec Chamfort, à faire imprimer leurs pièces pour que le public put juger, approuver ou casser l’arrêt de l’Académie, et il avait ajouté : « Nous nous croyons plus forts qu’un particulier, mais le public est plus fort que nous[1]. »

Il est bien vrai que le discours de Chamfort ne reste pas trop indigne de tout cet apparat avec lequel il fut couronné. Pourtant, dans sa Correspondance, Grimm le maltraite fort.

« Si, dit-il, le prix de l’Académie est fondé pour des enfants qui babillent bien, elle a bien fait de couronner le discours de M. de Chamfort, et je me persuade aisément que c’était le meilleur de ceux qui ont concouru… Les petites fleurs de rhétorique, les petites vues, les petites réflexions, même celles qui ont encore un air de nouveauté pour bien des gens, ne sauraient se procurer aujourd’hui un succès durable. L’art d’arranger les idées courantes avec un peu d’ordre et une certaine facilité et pureté est le mérite du siècle, de la culture générale, non de l’auteur[2]. »

Quand il écrit ces lignes, Grimm n’est pas en humeur d’indulgence, pas même de justice ; il se

  1. Mémoires secrets de Bachaumont réunis et publiés par P.-L. Jacob. (Paris, 1859, in-18, p. 360-361.)
  2. Correspondance de Grimm, VIII, 448 sqq.