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Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/85

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dit La Harpe, sont très peu suivies et très peu applaudies. Les samedis, le grand jour de nos spectacles pendant l’hiver, se soutiennent assez par l’avantage de la saison et l’ascendant de la mode ; mais, les lundis et les mercredis, où l’on ne pourrait aller au spectacle que pour la pièce, il n’y a personne. Rien ne prouve mieux que toute la protection et toute la faveur possibles ne peuvent pas faire réussir un ouvrage dont le fond est mauvais[1]. » Mustapha eut quinze représentations qui rapportèrent 44,770 livres avec le produit des petites loges à l’année[2].

Assurément la pièce de Chamfort n’a rien qui puisse nous faire paraître étonnante cette indifférence du public. Il était arrivé pourtant que bien des œuvres qui ne valaient pas mieux se fussent plus longtemps soutenues. On ne peut guère douter que cette tragédie, trop louée par les uns, n’ait été trop dépréciée par les autres, et que des préoccupations, qui n’avaient rien de littéraire, n’aient nui à sa fortune. La preuve en est dans cette curieuse anecdote :

« C’est une chose cruelle que l’esprit de parti. J’étais à la dernière représentation de Mustapha et Zéangir, tragédie que je n’estime pas plus qu’il ne faut, malgré la ca-

  1. Correspondance littéraire de La harpe (II. 193).
  2. Archives de la Comédie-Française. Ces quinze représentations rapportèrent à Chamfort 3489 livres 19 sols 6 deniers. Beaumarchais fut chargé par l’auteur de les toucher en son lieu et place, comme le prouve ce reçu : J’ai reçu pour M. de Chamfort, en vertu du pouvoir que je joins ici, la somme de…, etc., pour les honoraires de Mustapha et Zéangir échus jusqu’à ce jour, sans préjudice de l’avenir.

    À Paris, ce 21 décembre 1780.

    Caron de Beaumarchais,