Page:Pensées de Gustave Flaubert 1915.djvu/112

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blesse. Aimons-nous donc en l’Art comme les mystiques s’aiment en Dieu et que tout pâlisse devant cet amour. Que toutes les autres chandelles de la vie disparaissent devant ce grand soleil.

La Passion s’arrange mal de cette longue patience que demande le métier. L’art est assez vaste pour occuper tout un homme ; en distraire quelque chose est presque un crime, c’est un vol fait à l’idée, un manque au devoir.

Écrivains que nous sommes et toujours courbés sur l’art, nous n’avons guère avec la nature que des communications imaginatives, il faut quelquefois regarder la lune ou le soleil en face. La sève des arbres nous entre au cœur par les longs regards stupides que l’on tient sur eux. Comme les moutons qui broutent du thym parmi les prés, ont ensuite la chair plus savoureuse, quelque chose des saveurs de la nature doit pénétrer notre esprit s’il s’est bien roulé sur elle.