Page:Pensées de Gustave Flaubert 1915.djvu/33

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Il n’y a rien de plus vil sur la terre qu’un mauvais artiste, qu’un gredin qui côtoie toute sa vie le beau sans y jamais débarquer et y planter son drapeau.

Faire de l’art pour gagner de l’argent, flatter le public, débiter des bouffonneries joviales ou lugubres en vue du bruit ou des monacos, c’est là la plus ignoble des professions, par la même raison que l’artiste me semble le maître homme des hommes.

J’aimerais mieux avoir peint la chapelle Sixtine que gagné bien des batailles, même celle de Marengo. Ça durera plus longtemps et c’était peut-être plus difficile.

Le dernier franciscain qui court le monde pieds nus, qui a l’esprit borné et qui ne comprend pas les prières qu’il récite est aussi respectable peut-être qu’un Cardinal, s’il prie avec conviction, s’il accomplit son œuvre avec ardeur.

Les serments, les larmes, les désespoirs, tout cela coule comme une poignée de