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PENSÉES DE

ſe reconnoiſt ſi foible a le droit de meſurer la miſericorde de Dieu, & d’y mettre les bornes que ſa fantaiſie luy ſuggere. L’homme ſçait ſi peu ce que c’eſt que Dieu, qu’il ne ſçait pas ce qu’il eſt luy meſme : & tout troublé de la veüe de ſon propre eſtat, il oſe dire que Dieu ne le peut pas rendre capable de ſa communication. Mais je voudrois luy demander ſi Dieu demande autre choſe de luy, ſinon qu’il l’ayme & le connoiſſe ; & pourquoy il croit que Dieu ne peut ſe rendre connoiſſable & aimable à luy, puiſqu’il eſt naturellement capable d’amour & de connoiſſance. Car il eſt ſans doute qu’il connoiſt au moins qu’il eſt, & qu’il ayme quelque choſe. Donc s’il voit quelque choſe dans les tenebres où il eſt, & s’il trouve quelque ſujet d’amour parmy les choſes de la terre, pourquoy, ſi Dieu luy donne quelques rayons de ſon eſſence, ne ſera-t’il pas capable de le connoiſtre, & de l’aymer en la maniere qu’il luy plaira de ſe communiquer à luy ? Il y